AMIN ZAOUI ECRIVAIN DE TALENT QUI A TOUCHE A TOUS LES SUJETS

Amin Zaoui est un écrivain bilingue, professeur des lettres modernes à l’université-Alger2.  De nombreuses maisons d’Editions ont publié ses ouvrages, à Alger, à Paris et à Beyrouth, dont certains ont été traduits en plusieurs langues. Amin Zaoui a touché à tous les sujets, suscitant questionnement et remise en question d’une société un peu perdue. Il n’a pas cessé de nous surprendre à chaque nouvelle publication. Dans cette interview, il se livre à cœur ouvert. 

Propos recueillis par Adila Katia 

Parlez-nous s’il vous plait de « Chewing-gum », votre dernier roman qui sortira bientôt en Algérie et en France. Qu’est-ce qui a motivé son écriture ? 

Amin Zaoui : C’est un roman sur la situation de la femme algérienne depuis la deuxième guerre mondiale jusqu’à nos jours. Le roman décrit le débarquement des alliés sur les côtes oranaises, le 8 novembre 1942. Une belle histoire féminine de courage patriotique mais aussi d’amour et de jalousie. Sfia, le personnage principal dans le roman, la femme à la belle voix, mène une relation d’amour avec le général Eisenhower. Sur le plan historique, « Chewing-gum » raconte la montée du mouvement national, après la deuxième guerre mondiale et le déclenchement de la révolution algérienne en 1954.

« Chewing-gum » est le premier roman algérien et maghrébin qui parle de l’embarquement des alliés sur les côtes nord-africaines. Je voulais rendre hommage à la mémoire de mon village natal où les américains ont construit leur camp militaire. J’ai relaté, dans ce roman, des récits que j’ai entendus de la bouche de mon grand-père. « Chewing-gum » est le roman des oubliés de l’histoire : les braves femmes et hommes qui ont tracé le chemin vers la révolution du 1er novembre 54.

Pourriez-vous nous raconter comment vous avez commencé à écrire ? 

Amin Zaoui : Enfant, je rêvais d’écrire les contes fascinants que ma mère nous racontait. Mon but était de savoir comment devenir l’écrivain de la parole de ma mère ! Ma mère était une belle femme, pudique mais qui adorait danser majestueusement dans les fêtes familiales. Elle fut mon premier amour complet. Ma référence pour la beauté exemplaire, parole et physique.

 Y a-t-il eu un évènement déclencheur ? 

J’étais en cinquième année primaire, j’ai eu mon premier prix de fin d’année ; c’était le livre de « La chèvre de Monsieur Seguin » ! Je me rappelle des propos de mon maître de français, en me remettant le prix : ce livre a été écrit par un grand classique de la littérature française, Alphonse Daudet »

Je rentrais chez moi content d’avoir ce prix ; le livre d’un grand écrivain français. Mais quand j’ai lu le livre, je n’y trouvais qu’une histoire banale d’un loup et d’une chèvre. J’ai trouvé l’histoire écrite dans « la chèvre de Monsieur Seguin est moins attirante que celles contées par ma mère. En cet instant, je me suis dit : ma mère est plus grande que le grand écrivain français Alphonse Daudet ! Et ainsi j’ai décidé de devenir l’écrivain de ma mère. Le porte-parole littéraire de ma mère ! Et jusqu’au jour d’aujourd’hui, en écrivant j’entendais la voix de ma mère résonnant dans ma tête, comme si c’est elle qui me dicte mes romans.

Dans quelle langue avez-vous commencé à écrire ?  

En réalité, j’ai commencé mon écriture dans le dialecte, c’était un exercice de transcription des contes de ma mère sur mes cahiers scolaires. Et c’était, pour moi, un exercice très compliqué et très difficile. Puis je suis passé à la phase de la traduction des contes racontés en Darija vers un arabe scolaire, puis vers le français et cela m’a facilité, ultérieurement, le passage d’une langue à une autre.

Laquelle vous inspire le plus ? 

Chaque langue a sa beauté et sa fascination. Le Daridja dans lequel on lit la belle poésie algérienne ; celle de Ben Guitoune, d’El Khaldi, de Ben Kriou et d’autres géants de la poésie populaire, est une belle langue, l’arabe d’el Mutanabbi, de Mahmoud Darwich, d’Adonis est une belle langue, le français de Camus, de René Char, de Proust est une belle langue. Je me trouve dans une géographie linguistique complexe mais fascinante ! Littérairement, je suis le fruit de toutes ces langues pratiquées en Algérie.

Quels sont vos auteurs préférés ?  

J’aime la littérature américaine, Philip Roth et Henry Miller, et j’adore les univers et le style de Naguib Mahfouz et de Proust.

Quels sont vos thèmes de prédilection et pourquoi ? 

Je crois à la littérature qui bouscule l’ordre établi, mes sujets préférés : la liberté et la femme, l’égalité des sexes, la religiosité, la démocratie, la liberté d’expressions et de confessions et le rapport à autrui.

Vous avez été traduit et publié dans de nombreux pays. Avez-vous un retour des lecteurs étrangers ? 

Je suis traduit en treize langues, j’ai trouvé chez allemand un lecteur exemplaire. En Italie après la traduction de quelques titres à moi, il y avait un débat très profond dans les universités. Beaucoup de thèses ont été réalisées sur mes romans traduits.

Avec un long et riche parcours dans le domaine littéraire, autant d’ouvrages en arabe qu’en français, vous avez rencontré vos lecteurs, lors des conférences, des salons de livres, quelle relation avez-vous développé avec eux ?  

Rencontrer le lecteur, pour moi, est un grand plaisir de partage et d’échange. Il n’y a pas d’écrivain sans le lecteur. D’après mes conférences, mes rencontre-débats et mes séances dédicaces organisées dans toute l’Algérie, j’ai constaté que mon lectorat féminin est plus présent et plus curieux que le lectorat masculin. La femme est le moteur de tout changement sociétal.

Vous êtes écrivain, chroniqueur, conférencier, quels conseils pourriez-vous donner aux jeunes auteurs ? 

Je n’aime pas les donneurs de conseils, surtout dans l’écriture. Mais je peux partager mon expérience avec les jeunes auteur-e-s, en leur disant : l’écrivain est un grand lecteur, il faut dévorer les livres, il faut lire et lire et encore lire.

 

Tag(s) : #CULTURE
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