AMARA BOUGLEZ REVOLUTIONNAIRE HORS PAIRE
Amara BOUGLEZ est un révolutionnaire qui a eu l’ingénieuse idée de créer la base de l’est, une véritable force de frappe. Pendant la révolution, les hauts gradés de l’armée française craignaient ce combattant natif de la région d’El Kala. A dire vrai, Amara Laskari dit Bouglez est un chef qui use de tous les moyens pour remporter les batailles contre une armée française armée jusqu’aux dents. C’est un homme respectable et respecté selon tous ceux qui ont servi sous ses ordres. En dépit de moyens limites la base de l est a remporte des victoires qui ont fait plie l armée française. Bouglez a toutes les qualités d un meneur d homme c est le témoignage de plusieurs de ses compagnons. Désormais reconnu par ses pairs, Amara Bouglez se met en devoir d’évaluer ses moyens et ses possibilités. Sur le plan militaire, il dispose, au centre, des militaires algériens qui ont déserté le camp français de Lebtiha situé à quelques kilomètres de la ville de Souk-Ahras, avec armes et bagages en mars 1956 et qui sont regroupés autour du "chef" Abderrahmane Ben Salem et de son compagnon Mohamed Aouachria. Ils occupent la région de Ouchtetta et le bec de canard, une saillie algérienne au droit de Ghardimaou, petite ville à l’extrême-ouest de la Tunisie. Plus à l’Est, opèrent les groupes de Tayeb Djebbar, confortés par la présence, dans leurs rangs, de nombreux transfuges de l’armée française ayant fait leurs classes en Indochine. Les forêts des Béni Salah sont tenues par les unités de Slimane Belachari, un vétéran du mouvement national. Ce centre deviendra, dans peu de temps, la zone d’opération du 2e bataillon de la Base de l’Est qui sera confié à Abderrahmane Ben Salem. Du sud immédiat de Souk Ahras jusqu’à Louenza, activent les groupes de Sebti Boumaâraf, Mohamed Lakhdar Sirine, Mohamed Lasnam, Hadj Lakhdar Daoudi et Abdallah Slémi. Ces éléments, nombreux et très aguerris, formeront l’effectif du 3e bataillon. Tahar Zbiri, de retour de l’Aurès, sera bientôt à sa tête. Au Nord, dans le demi-cercle dessiné par la ligne qui relie le piémont oriental de l’Edough à la lisière des forêts des Beni Salah et qui remonte vers Tabarka, laissant à l’extrême- nord le phare ancien de la Calle, activent les premiers compagnons de Bouglez, quelque quatre cents hommes. Ces vétérans, dont l’intrépide Allaoua Béchaïria et le chanceux Chadli Bendjedid, constitueront le noyau dur du futur 1er bataillon que commandera Chouichi Laïssani. Les "citadins" du commando de Slimane Laceu (Guenoune Slimane) activent, eux, à la périphérie immédiate des implantations militaires de l’armée française et dans la ville de Souk Ahras.
Amara Bouglez, désormais en position de force, fin politique, répond au souci des nouvelles autorités tunisiennes, désireuses de voir l’ordre régner chez elles, en prenant une série de mesures destinées à faire respecter par ses maquisards la souveraineté du pays d’accueil. Il se place ainsi, dans la position d’interlocuteur valable face à Driss Guiga, commissaire central, puis ministre de l’Intérieur, ou au débonnaire Bahi Ladgham, vice-président de la jeune République tunisienne. Il impose la concertation avec le commandant Mahdjoub Ben Ali, chef de la Garde nationale bourguibienne, pour résoudre par le dialogue les nombreux problèmes nés des incessants va-et-vient des hommes de l’ALN à travers la frontière. Estimant, à juste titre, que la révolution algérienne a tout à gagner d’une Tunisie stable, il repousse ostensiblement les avances de Salah Ben Youssef, le leader de l’aile maximaliste du Néo Destour compétiteur déterminé du président tunisien. Mais, se méfiant d’une éventuelle versatilité de ce dernier, il maintient dans les unités de Sebti Boumaâraf un des plus combatifs de ses chefs de guerre, des moudjahidine yousséfistes qui ont combattu l’armée française pendant les évènements de Tunisie, et qui sont venus s’intégrer à l’ALN, sous la bannière des "Combattants de l’Afrique du Nord". Grâce à son sens du compromis, son réalisme, ses choix pertinents, il engrange, sans prendre de risques, d’inestimables avantages pour la révolution. Le premier et le plus important est la bénédiction de Habib Bourguiba pour l’installation de bases de l’ALN en territoire tunisien. Il ne cède pas aux options exprimées, parfois véhémentement, sur le maintien du commandement à l’intérieur de l’Algérie. Pédagogue, il explique patiemment aux puristes de la révolution, et aux allumés du djihad, qu’il est vain d’espérer un état d’équilibre entre les forces de l’armée algérienne naissante et celles de l’ennemi. Il estime — et il cite des exemples illustres à l’appui de sa démonstration – que pour durer et espérer vaincre un jour, la seule alternative pour un mouvement indépendantiste encore faible est de bâtir, à l’abri d’un sanctuaire, les conditions d’une longue résistance. "L’armée française respectera-t-elle la souveraineté de l’Etat tunisien ?" Ou bien "n’est-il pas aventureux de concentrer notre état-major et de le sédentariser dans un endroit connu de l’ennemi ?" Ce sont là les questions judicieuses qui lui sont posées. Le proche avenir démontra que l’analyse qu’il avance est clairvoyante : "Les Français seront certainement tentés de réoccuper la Tunisie et le Maroc pour neutraliser durablement les bases arrière de l’ALN, mais un facteur le leur interdira toujours : la conviction que leur agression provoquera la création d’un front nord-africain uni et déterminé à leur résister. Ils n’ont pas les moyens humains, matériels, financiers et diplomatiques pour s’engager dans une telle aventure. Ce qui est à craindre, et il faudra veiller à s’en prémunir, ce sont des actions de commandos, ponctuelles et limitées dans le temps, contre nos installations." A la veille de l’arrivée de Amar Ouamrane en Tunisie, Bouglez a déjà fait l’essentiel en matière de remise en ordre dans les rangs des groupes armés qui activent dans le Nord-Est. En très peu de temps, il a montré son savoir-faire. Avant même la réception des organigrammes de la Soummam, les unités qu’il commande sont restructurées par Abderrahmane Bensalem et Mohamed Aouachria, les deux célébrissimes déserteurs de mars 1956, selon le modèle français qu’ils connaissent bien. Les anciens seigneurs de la guerre, qui tiennent les djebels, sont entrés dans le moule façonneur. Ils obéissent aux ordres de la nouvelle hiérarchie. Des centres d’instruction sont ouverts. De jeunes maquisards y apprennent les rudiments du métier des armes. L’organisation, mise en place par Amara Bouglez pour élever le niveau de l’ALN, fera école, à telle enseigne que Houari Boumèdiène, visitant ces installations au courant du deuxième semestre de l’année 1957, demandera et obtiendra l’affectation en wilaya V de l’officier Khaldi Hasnaoui, un des instructeurs de la Base de l’Est.