LES IMPOTENTS

Voilà bien longtemps qu’il sévit. C’est peut être parce qu’il a subsisté à tous les désastres et qu’il est insensible à la conjoncture et que le creux de la vague ne le touche pas. Chez lui le temps est invariable. Il n’y a ni surélévation ni lassitude pas même d’apesanteur et pesanteur. A croire que l’état de grâce l’entoure une bonne fois pour toute. Il le doit sans aucun doute à son parcours scabreux fait de compromissions, de courbettes exécutées infailliblement avec tact et doigté et à son absence de zèle ( ?) dans le travail (au sens propre s’entend). Allez tout va bien et dormez bien sur vos deux oreilles. Etre ou ne pas être quelle lacinante question shakespearienne ! Le choix est fait, advienne que pourra !!! L’essentiel n’est pas  là ? Son teint est olivâtre, malgré un traitement intensif au sodium  à cause d’une bile mainte et mainte fois malmenée et d’un foie (sans foi ni loi) tailladée par une riche sustentation à base végétale entrecoupée une fois l’an de gâteau oriental fourré. La rentrée scolaire vient à peine de commencer… Et dans deux jours nous amorçons le mois du carème en subissant sans crier au scandale la valse des prix.

Sa lucidité à toute épreuve ne laisse se faufiler aucune suggestion pertinente, aucune proposition de nouvelles règles de travail évolutif et rigoureux, car cela remettrait en cause les fondements de sa stabilité sur laquelle il veille avec une rare vigilance. Rien ne peut faire broncher sa superbe : ni le poids de l’expérience précieuse des uns, ni-et encore mieux- les certificats et diplômes d’aptitude des autres qu’il considère être tout juste, bons à faire valoir dans une demande de logement ou de travail. Comble du malheur, il n’est pas seul  parce qu’ainsi on aurait pris notre mal en patience.

 Il fait partie d’une confrérie aussi unie que les membres d’une « causa nostra » qui a sa propre dynamique, sa propre dialectique et une idéologie spécifique. Son vocabulaire de vingt quatre mots acquis à force d’imitation, d’oreilles collées aux portes et aux stéréotypes happés dans le clair-obscur des coulisses lui permet de faire des ravages.

Cet énergumène qui considère la vérité dite comme une énormité, lutte à coup d’argumentation spécieuse et soporifique tant et si bien qu’il finit par précipiter d’interminables séances vers ses propres conclusions. Par exemple il affirme violemment et dans un suffoquant sérieux que si la pluie ne tombe pas, c’est à cause de l’impérialisme et de ses essais nucléaires et si par contre la pluviométrie venait de le surprendre, il n’y a alors qu’une seule et unique explication valable au manque de patates et d ‘ananas : débrayage au port, les fellahs font la sieste dans les champs de terres fertiles au profit d’un appartement de cité dortoir puante,  de plus en plus des effets néfastes des trois buts encaissés par le jeune et malchanceux gardien de but de notre adorable équipe de football en dépit des résultatspositifs acquis et de tous les biens qui l’entourent, l’équipe, elle est la nôtre et il n ‘y aura pas une autre. Si le club fétiche gagne c’est l’euphorie mais s’il perd il faut châtrer toute la composante y compris ce brillant gardien.

Passé dans l’art de  prévenir toute subversion et d’endiguer les énergies créatrices, il se prend à aspirer à des disciplines pour en faire des tire-au-flanc malgré eux. Le meilleur moyen est de leur couper toute envie de travailler. Prompt à intercepter tout résultat des efforts des autres, ils font littéralement au moindre panégyrique. Sujet de débat favori ; le clabaudage qui consiste à tirer à boulets rouges sur les copains et de les nettoyer de baisers sur les deux autres joues sitôt qu’ils apparaissent en les chargeant de questions guindées sur l’état de santé de Ammi El Hadj. Un fonctionnaire zélé( ?), il vide de son contenu le sens de sa fonction et est en danger ignoré et embusqué pour les institutions. A la fin, ils nous fatiguent ces médiocres…qui se sont accaparés de tous les rouages….